Le Sud-Soudan au bord du précipice

A child is learning English through a homeschool in Rumbek, South of Sudan Credits: Limburger/Caritas Austria

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Credits: Limburger/Caritas Austria

La carte de l’évêque montre les attaques-éclair le long de la frontière entre le Soudan et la République démocratique du Congo. De village en village, les raids sont attestés en comptant les morts, les blessés et les personnes enlevées : à Bangolo, 5 morts, 4 blessés et 11 personnes enlevées en deux jours au mois de janvier ; à Gangura, 6 morts et 6 personnes enlevées en décembre ; à Luru, 3 morts et 4 filles enlevées le jour de Noël, et ainsi de suite.

Les survivants des petits villages situé au fond des forêts pluviales drues de l’Etat de l’Equatoria occidental, dans le Sud-Soudan, ont raconté aux agents de l’Eglise catholique des rebelles armés de machettes, de haches et d’armes à feu qui tuent, violent et volent hommes, femmes et enfants.

“Ils coupent les gens en morceaux,” explique l’évêque Eduardo Kussala de Tombura Yambio dans l’Equatoria occidental. Il affirme qu’un groupe de rebelles ougandais, que l’on appelle l’Armée de la résistance du Seigneur (LRA), commettent des actes de violence “inhumains”, “pervers”.

A l’origine basés dans le nord de l’Ouganda, les rebelles de la LRA ont été chassés de leur pays par les armées ougandaise, congolaise et soudanaise et ont pénétré les forêts tropicales du Congo. De là, les rebelles ont perpétré des incursions terrifiantes contre la population congolaise et franchi la frontière avec le Soudan.

Caritas a fait état des massacres commis par la LRA autour de Noël au Congo, notamment 150 personnes ont été tuées alors qu’elles assistaient à un concert dans une église. Bien que les rebelles nient avoir commis ces actes, les Nations Unies ont confirmé que ces meurtres ont eu lieu.

“Nous savons que c’est la LRA,” a affirmé l’évêque Kussala à propos des attaques récentes au Soudan. “Cela a commencé pratiquement dès que la LRA s’est installée dans la région en décembre.”

Le niveau des violences et les enlèvements au Soudan et au Congo ont toutes les caractéristiques d’une attaque de la LRA. Par le passé, ce groupe de rebelles a été accusé de multiples violations des droits de l’homme, notamment meurtre, mutilation et enlèvement de femmes et d’enfants pour en faire des esclaves sexuels. En 2005, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le commandant de la LRA, Joseph Kony, et quatre autres chefs de l’Armée.

Bien que l’accord de paix de 2006 ait mis effectivement fin à la guerre en Ouganda, il reste 500 à 3000 troupes de la LRA, Kony y compris, qui sont encore en liberté. Les chiffres varient en fonction des personnes enlevées par la LRA et des bandes poussées au combat. Ils opèrent aussi par petites unités de 10 à 20 soldats, ce qui fait qu’il est encore plus difficile de déterminer la taille de leur force. Quel que soit le nombre, il est certain qu’ils terrorisent des centaines de milliers de personnes dans la région.

Monseigneur Eduardo Kussala, un jeune évêque de 46 ans, remplit ce poste depuis douze mois seulement. Il est originaire de la région et sait combien il est difficile de travailler dans une zone où 9 personnes sur 10 vivent au-dessous du seuil de pauvreté, où 80% de la population est analphabète et où le taux de mortalité infantile s’élève jusqu’à 30-40%. A toute cette souffrance s’ajoutent les attaques de la LRA.

“Ici la situation est catastrophique. Les gens ont abandonné les zones rurales pour chercher plus de protection dans les villes”, explique l’évêque Kussala. Il pense aux 200 000 personnes qui ont été contraintes à quitter leur foyer, soit environ un cinquième de la population de l’Etat. Des réfugiés du Congo sont arrivés dans son diocèse pour échapper aux massacres et les écoles de l’Eglise ont vu leurs classes passer de 45 à 300 écoliers.

“Il n’y a pas de gouvernement efficace ici,” affirme l’évêque Kussala, “l’Eglise fournit tous les services sociaux, de santé et d’éducation, et maintenant nous nous occupons des personnes qui fuient les violences.” L’Eglise catholique et Caritas travaillent dans les camps et dans les communautés d’accueil pour essayer de pourvoir aux besoins urgents, mais risquent d’être accablés par le manque de ressources. Même si aujourd’hui la situation est mauvaise, l’évêque pense que l’Etat de l’Equatoria occidental pourrait être au bord d’un “bain de sang”.

Le Soudan sort juste d’une guerre civile longue et brutale entre le Nord et le Sud. Dans le cadre de l’accord de paix qui a mis fin à la guerre en 2005, un gouvernement autonome séparé a été mis en place dans le sud. L’Equatoria occidental est sous l’autorité du gouvernement du Sud-Soudan, basé à Juba.

Dans le sud, le gouvernement lutte pour garantir la sécurité. Avec ses ethnies et ses tribus adverses, le Sud-Soudan est une poudrière. La paix avec le Nord a soulevé le couvercle des rivalités dans le Sud. On constate une recrudescence de la violence entre les différents groupes. Le bilan des morts est plus élevé ici que dans une autre zone de guerre du Soudan, le Darfour. L’évêque déclare que, en ne fournissant pas de protection dans le sud, le gouvernement déclenche une “bombe à retardement”.

“La LRA attaque à volonté,” affirme l’évêque Kussala. “Les gens voient que le gouvernement du Sud-Soudan ne prend pas de mesures pour les arrêter. Ils constatent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de prendre des armes pour se défendre.” Des milices locales se forment pour offrir de la protection. Ces groupes luttent actuellement avec arcs et flèches, lances et filets de chasse, des armes inadéquates contre les Kalachnikov de la LRA.

En juin, le Président du Sud-Soudan, Salva Kiir, a déclaré avoir procédé à des renforcements militaires. “Je promets que je ne vous abandonnerai pas en quête de paix et de sécurité,” a-t-il déclaré. Mais le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’Homme au Soudan, Sima Samar, a critiqué depuis l’intervention inadéquate du gouvernement contre la menace de la LRA.

L’évêque Kussala affirme que la population devient de plus en plus hostile au gouvernement et craint que les tensions ne fassent éclater “une guerre tribale et un génocide”. Il se déplace dans son diocèse pour exhorter les personnes à ne pas réagir par la violence, mais c’est tout ce qu’il peut faire et il pense que l’horloge tourne pour le gouvernement.

L’instabilité et l’insécurité dans l’Equatoria occidental se reflète ailleurs dans le sud, où le banditisme et les affrontements meurtriers entre tribus connaissent une recrudescence. Le gouvernement du Sud-Soudan est critiqué parce qu’il n’investit pas l’argent du pétrole dans les infrastructures et le développement.

Par ailleurs, l’accord de paix avec le gouvernement de Khartoum est soumis de plus en plus aux pressions suscitées par les querelles sur la rapidité de la mise en œuvre. Le référendum qui aura lieu dans 18 mois pour la sécession du Sud pourrait entraîner d’autres affrontements.

L’archevêque Paolino Lukudu Loro de Juba affirme que l’Eglise fait tout son possible pour soutenir le processus de paix, car un retour à la guerre aurait des conséquences humanitaires terribles.

L’évêque Kussala essaye de montrer au plus grand nombre possible de personnes en dehors du Soudan sa carte mettant en évidence les atrocités. Même s’il reconnaît que cette région du monde ne suscite pas beaucoup d’intérêt, il espère que la communauté internationale s’engagera à nouveau dans le processus de paix au Soudan. D’ailleurs l’espoir, c’est tout ce qui lui reste.

 

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