41.000 personnes suffoquent à bossangoa

Matthieu Alexandre/Caritas

Credit: Matthieu Alexandre/Caritas

par Matthieu ALEXANDRE, photojournaliste envoyé par Caritas Internationalis (Témoignage)

Même vue du ciel, la situation fait peur. L’avion décrit un cercle autour de la ville désertée, pas une âme qui vive. En amorçant la descente, on distingue des centaines de tâches blanches et bleues, ce sont les bâches des tentes de fortune des déplacés, enfin du mouvement, des milliers d’individus qui grouillent autour de la cathédrale, la vie est condensée sur un périmètre ridicule, cinquante fois plus petit que la ville d’origine avec une population de plus de 40.000 personnes.

L’avion se pose sur la piste en terre, balisée par quelques soldats de la FOMAC. Sur tous les aérodromes d’Afrique, on trouve des enfants venant voir les avions se poser, des vendeurs de fruits ou des curieux ; ici pas un seul civil à l’horizon, seulement une poignée de militaires et quelques 4×4 d’ONGs qui attendent, moteurs allumés, de récupérer leur personnel ou leur matériel avant de rallier leur campement à vive allure.

Les cinq minutes de voiture qui séparent l’aérodrome de l’archevêché sont sinistres. Les maisons sont brûlées, la brousse a déjà repris place, le centre-ville de Bossangoa est abandonné, à l’image de l’imposant bâtiment de la gendarmerie nationale, portes béantes.

On passe une barrière tenue par les rebelles de l’ex-Seleka, avant d’arriver aux portes de l’évêché. Il y a du monde partout, sur les marches, derrière les lourdes portes métalliques de la mission catholique, même sur l’emplacement de la voiture de la Caritas, un des rares 4×4 qui n’a pas été volé.

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Matthieu Alexandre

« De toute façon, m’explique l’abbé Michel, la voiture ne nous sert pas beaucoup, on ne peut plus circuler au sein de l’évêché, il y a trop de monde partout et dehors, hormis l’accès à l’aérodrome, on ne peut pas sortir d’un périmètre de 5 kilomètres, nous sommes pris au piège ici. »

Les ex-Séléka ont installé leur campement à quelques 300 mètres de là, le cercle se referme. Même le poste de la FOMAC est plus éloigné maintenant, il faut passer devant les rebelles pour l’atteindre. Les miliciens font régner la terreur, ils tirent ou égorgent tous les hommes qui s’éloignent de la Cathédrale. Seules les femmes peuvent encore aller aux champs. Les rebelles ont même réussi à intimider les forces de la FOMAC auxquelles ils ont imposé un périmètre de patrouille de 5 kilomètres. Les ex-Seleka peuvent ainsi poursuivre leurs exactions dans les villages avoisinants en toute impunité. Les villages alentours, sont justement désertés, il n’y aurait plus âme qui vivent sur 100 kilomètres. Les survivants qui arrivent pour demander asile à l’évêché viennent chaque jour d’un peu plus loin, élargissant ainsi le cercle de la terreur.

Depuis plus de 15 ans, je me consacre au reportage social et humanitaire. J’ai travaillé dans plus de 30 pays, et je me suis toujours attaché à mettre en lumière l’espoir, même dans les situations les plus sombres. J’ai photographié la vie dans les bidonvilles d’Inde ou du Brésil, la pauvreté des Sans-Domicile dans les rues de Harlem ou de Paris au cœur de l’hiver, la souffrance des victimes de la guerre en Irak, au Liban ou en Syrie, mais jamais je n’avais encore vu une détresse semblable.

Malgré le dévouement fantastique de Mgr Nestor et de tous les prêtres qui continuent malgré tout à prier et à célébrer les messes, je n’ai trouvé à Bossangoa, aucun signe d’espoir. Les déplacés, pris au piège d’un conflit qui les dépasse, suffoquent.

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