Rouvrir les écoles à Cité Soleil

Children from Little Haïti in Cité Soleil, one of the largest slum of Port-au-Prince where over 350 000 people are living. Most children in Little Haïti attend the salesian schools supported by Caritas. Credits: CARITAS/ MathildeMagnier

Children from Little Haïti in Cité Soleil, one of the largest slum of Port-au-Prince where over 350 000 people are living. Most children in Little Haïti attend the salesian schools supported by Caritas.
Credits: CARITAS/ MathildeMagnier

Rares sont les enfants qui ont la possibilité de retourner vers les chemins de l’école à Cité Soleil.

Assise sur un petit banc, à l’ombre des grandes bâches qui servent de salle de classe dans la cour de son école, Kethia Phélizaire ajuste consciencieusement les plis de sa jupe et agite la poussière collée à ses petites sandalettes. « Je dois faire attention à mon uniforme, il est tout neuf. Si je veux aller à l’école, il faut que j’en prenne soin», explique la jeune adolescente de 14 ans, la main posée sur son livre de classe.

Elève à Soleil Quatre, centre scolaire des prêtres salésiens situé en plein cœur de Cité Soleil, Kethia fait partie des rares privilégiés de la zone dont l’école à rouvert les portes depuis début avril. Si elle avait « vraiment envie de revenir depuis le début », voilà seulement quelques jours que la toute jeune fille a retrouvé ses camarades dans la grande cour de l’établissement, transformée en salle de classe grandeur nature. « Je n’avais plus de chaussures », dit-elle simplement. « Heureusement, l’école m’a aidé », ajoute-t-elle.

Aujourd’hui, Kethia ne laisserait sa place à personne. Car à Cité Soleil, où vivent plus de 350 000 personnes, « tout le monde ne va pas à en classe », comme elle le souligne. Pas plus d’un enfant sur deux, selon les estimations. A Little Haïti, le quartier d’où elle vient, qui est aussi l’un des plus violents et défavorisés de la zone, ils sont encore moins nombreux. Autour de chez elle, Kethia est d’ailleurs l’une des seules à avoir pu redémarrer les cours. Au sein de sa famille, les choses ne sont pas simples non plus. Ses grands frères « n’ont pas pu continuer l’école » et les plus jeunes restent avec leur mère. « Il y a beaucoup à faire dans la maison », ajoute-t-elle sans autre explication.

Regard sombre, visage grave et sérieux, Kethia détonne au milieu de l’atmosphère survoltée de Soleil Quatre. Etrangement calme dans le brouhaha de la cour, elle dit vouloir « se concentrer, même si ce n’est pas toujours facile ». Comme beaucoup de ses camarades, elle a « beaucoup oublié » depuis que l’école à fermé après le séisme. « Ces enfants ont énormément perdu en l’espace de trois mois » explique Noël Clotaire, le directeur de l’établissement. « Pour qu’ils puissent suivre, les professeurs sont forcés de retourner en arrière dans les programmes. Et puis, ils sont beaucoup plus difficiles qu’auparavant, plus dissipés. Il y a beaucoup de désordre dans leur vie, et tout cela se traduit dans leur comportement », conclut le professeur. On le croit volontiers à voir le troupeau d’enfants hilares et surexcités qui l’entourent, agités et un brin bagarreurs, mi-pour de rire, mi-pour de vrai.

Et dans le contexte actuel, tenir les enfants en place n’est pas toujours simple. Au quotidien, plus de 1400 élèves se bousculent dans les locaux de l’école, les plus jeunes dans les salles de classe en bois installées au fond de l’établissement, les plus âgés sous les bâches postées à l’entrée du centre. En dépit de la chaleur cuisante, Kethia ne s’en plaint pas. « Je ne veux pas rentrer dans l’école », dit-elle, « j’ai trop peur ». La plupart de ses amis sont comme elle. « Certaines salles sont tout à fait utilisables mais c’est encore trop tôt », explique le directeur, « même pour les professeurs ». Quatre mois après, le souvenirs du tremblement de terre est encore brûlant. « Plus de 250 enfants ne sont jamais revenus », glisse Noël Clotaire. Dans l’ensemble du pays, on estime que le séisme a tué environ 38.000 écoliers et étudiants ainsi que 1.300 enseignants et personnels de l’éducation. Il n’empêche. « Les conditions d’enseignement ne sont pas parfaites, mais l’essentiel est là alors il faut avancer ».

Reconstruction des murs d’enceinte pour sécuriser l’espace, installation de salles de classe temporaires, achat de fournitures et matériel scolaire « pour remplacer ce qui a été volé après le séisme », préparation de plats chauds distribués quotidiennement pour nourrir les plus jeunes… les salésiens, avec le soutien de Caritas, ont dû travailler dur pour en arriver là. D’autant qu’aucune contribution n’est plus demandée de la part des parents. Comme 95% des écoles en Haïti, « Soleil Quatre est une école privée. Nous ne demandons habituellement une faible participation aux parents, mais depuis le séisme, c’est terminé. Sinon les enfants ne reviendraient pas », analyse Noël Clotaire. En Haïti, nombre d’écoles n’ont d’ailleurs pas rouvert leurs portes car les parents n’ont plus les moyens de payer.

Consciente de sa « chance », Kethia a bien l’intention de s’accrocher. « Pour devenir quelqu’un, pour apprendre à vivre ». Et changer les choses aussi. Son but : « devenir chef ». « Enfin, pas que chef », se reprend-t-elle, « policier plutôt». Pour « mettre fin au désordre ».

 

Faire Un Don


Merci de votre don généreux à Caritas. Votre soutien rend notre travail possible.

Pray

Caritas brought together a collection of prayers and reflections for you to use.

Se Porter Volontaire

Les volontaires apportent une contribution cruciale à notre travail. Découvrez comment devenir volontaire.