Le réseau Caritas au Forum Mondial des Droits de l’Homme

Adriana Opromolla

La 5e édition du Forum mondial des Droits de l’Homme, portant sur le thème Développement durable/Droits de l’Homme: même combat ?, s’est tenue à Nantes (France) du 22 au 25 mai. Des centaines de participants provenant du monde entier (représentants d’autorités publiques nationales et locales, des Nations Unies, de la société civile, des universitaires, des militants des Droits de l’Homme) se sont rassemblés autour d’une formule inusuelle: le lien étroit entre problèmes globaux et réalités locales.

Les discussions du Forum ont en effet démontré que le développement durable et la réalisation des droits humains sont en effet inextricablement liés, et que ce combat – qui est bien le même, comme le titre le suggère – se joue surtout au niveau local. Des questions globales telles que la croissance économique, la pollution de l’environnement, le changement climatique, la santé publique, la préservation des ressources naturelles, la démocratie participative, la transparence et l’accès à la justice se concrétisent en effet dans chaque territoire, chaque municipalité, chaque collectivité locale.

Secours Catholique/Caritas France et Caritas Internationalis n’ont pas manqué cet événement. La délégation Loire-Atlantique du Secours Catholique y était fortement représentée, notamment grâce à un stand bien visible dans le hall principal de la Cité des Congrès de Nantes, qui a permis de rencontrer de nombreux autres participants. Caritas Internationalis y était représenté par son équipe de plaidoyer. Mais surtout, c’est à travers l’atelier Accès à la justice : une obligation pour préserver la paix comme l’environnement que Caritas a fait sentir sa présence.

Modéré par Antoine Sondag, responsable Études et recherches internationales à Paris, cet atelier a montré que le développement durable se réalise aussi par la garantie de l’accès à la justice en tout temps et à toute personne. La réalité du monde, malheureusement, ne correspond pas à cet impératif. Des situations prolongées de conflit – comme celui en République Démocratique du Congo (RDC) – empêchent le fonctionnement d’une justice fiable, indépendante et stable, véritablement au service des citoyens. Deogratias Mulingi, avocat et membre de la Commission diocésaine «Justice et Paix» de Bukavu a décrit comment au Kivu, zone frontalière avec le Rwanda, les milliers de crimes (viols, massacres) commis au vu et au su des défenseurs font apparaitre l’accès de tous à la justice, aux Droits de l’Homme, une fiction pour ceux qui vivent au Congo. L’instabilité de la région des Grands Lacs et la violence qui en a suivi ont fait des millions de victimes, et les survivants n’espèrent même plus obtenir justice. En fait, les justiciables n’ont pas d’accès à la justice parce que les juridictions sont trop éloignées ou les coûts sont trop élevés, ou encore parce qu’ils ont peur d’aborder le personnel judiciaire par crainte des tracasseries liées à la corruption. Un autre grand problème est celui de l’analphabétisme pour une grande partie de la population. La connaissance d’un droit est le début de sa protection. En l’absence de l’État, des organisations catholiques se sont alors activées pour vulgariser les lois dans des langues compréhensibles à la population.
La justice au Congo, a dit M. Mulingi, a un problème éminemment politique lié au conflit: si on va en justice, on risque sa vie. Tant que la guerre se poursuit et que les seigneurs de guerre se couvrent mutuellement, tant que les mécanismes de justice internationale prennent du temps à fonctionner (malgré la présence nombreuse et couteuse de la force des NU, la MONUC), la situation restera stagnante et on ne pourra pas croire au droit. Un exemple inquiétant est celui des enfants-soldats: il y a eu des opérations de démobilisation des enfants de tous les groupes armés, organisée par l’Etat congolais avec l’appui de certaines ONG qui ont effectivement sorti un grand nombre d’enfants des rangs des combattants. Mais, au fur et à mesure que la guerre continue, il y a eu des nouveaux recrutements au point qu’aujourd’hui le nombre d’enfants dans les groupes armés est redevenu un problème. C’est un cycle infernal sans issue. Dans ce conflit il est aussi important de noter la corrélation avec l’exploitation illégale des ressources naturelles. Tous les combats se font autour des zones d’exploitation des mines, il est donc clair que les seigneurs de guerre en tirent profit. Les victimes du conflit ont l’impression d’être oubliées par la communauté internationale. Leur souffrance appelle à la solidarité universelle. Il y a quand même des personnes audacieuses qui osent dénoncer au prix de grands risques. Ces défenseurs s’exposent aux attaques des groupes armés ou des hommes d’Etat. Ils nécessitent un soutien pour leur protection.

Dans les pays occidentaux, bien qu’en situation de paix, la justice est rarement à même de réparer les dégâts environnementaux causés par les activités industrielles qui non seulement dégradent l’environnement mais violent aussi les droits humains des résidents (notamment le droit à la santé et le droit à un environnement sain, propre et durable, un droit de « 3e génération» aujourd’hui encore largement non-opérationnel). Partant de l’affaire à charge d’Eternit, société productrice d’amiante-ciment (conclue à Turin en 2012 avec une condamnation à 16 ans d’emprisonnement, alors qu’en France ce procès continue à stagner) Jean-Paul Teissonnière, avocat de l’Association des victimes de l’amiante, a expliqué la spécificité des crimes industriels: ces derniers ont des effets massifs, en affectant des collectivités et produisant de graves conséquences, y compris par la création de maladies nouvelles, inexistantes dans la nature. Pourtant, les législations nationales telles que celle française ont dépénalisé les activités industrielles dans le but de favoriser le «développement». La simple compensation monétaire aux victimes ne suffit évidemment ni à restaurer leurs droits ni à éviter de nouveaux accidents. Si ces agissements étaient portés sous le champ du droit pénal, ceci aurait une valeur hautement pédagogique et symbolique: en fin de comptes, l’important ne serait pas d’obtenir la condamnation des responsables, mais de reconnaître pleinement les droits de victimes. Faute de normes spécifiques en matière de justice environnementale, le monde judiciaire d’aujourd’hui se reconnait souvent incompétent à juger des désastres environnementaux (comme il s’est produit à propos du barrage de Belo Monte en pleine Amazonie). La pratique démontre que les préoccupations environnementales et les préoccupations sociales sont convergentes; dans tous les cas où la justice se dessaisit, elles restent sans réponse. Pourtant, il n’y a pas de développement sans paix, et il n’y a pas de paix sans respect des droits humains. Un système judiciaire effectif est donc un des moyens d’atteindre le développement durable; cette responsabilité revient principalement à l’État mais demande une mobilisation collective et cohérente pour un changement profond.

Un Forum des Droits de l’Homme – a dit Pierre Sané (Global Compact, NU) lors de la séance d’ouverture – n’est pas un lieu de prise de décisions. Pourtant, les échanges d’idées qu’il permet, les manifestations de problématiques et de besoins nouveaux face aux défis de la mondialisation, en font un lieu de rencontre et de conscientisation incroyablement fructueux. Et c’est seulement grâce au mouvement d’idées, à la sensibilisation des élus et décideurs publiques, à l’activation de la société civile permettant une pression politique, que de nouveaux engagements pourrons voir le jour en faveur des droits humains et du développement.

Pour plus d’informations, voir:
www.spidh.org et Secours Catholique

 

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