Des milliers de chrétiens irakiens ont trouvé refuge en Jordanie

Par Romilda Ferrauto, Radio Vatican

Depuis l’offensive des militants de l’Etat Islamique, la Jordanie a accueilli des milliers de nouveaux chrétiens irakiens ; et il en arrive tous les jours. Ceux qui n’ont pas pu trouver un logement, Caritas Jordanie les a installés dans des églises équipées de salles paroissiales et disposées à les recevoir. Les chrétiens irakiens sont encore plus démunis et plus désespérés que les syriens. Ils en veulent aux Etats Unis, à l’Arabie Saoudite, aux pays du Golfe, à la Turquie mais aussi aux pays occidentaux qui n’accordent pas de visas. La France, notamment, est sévèrement critiquée, elle qui avait promis d’accueillir les chrétiens de manière préférentielle et qui n’a pas donné suite à ses promesses.

Le reportage de Romilda Ferrauto

A Zarka, une quarantaine de chrétiens orthodoxes irakiens, dont une dizaine d’enfants, campent, depuis leur arrivée début septembre, dans la salle paroissiale de l’église grecque-melkite catholique. Douze familles de la région de Mossoul. Les militants de l’Etat islamique leur ont donné trois jours pour se convertir, payer la taxe ou partir. Ils n’ont plus rien, ils n’ont rien emporté, ils sont partis en pleine nuit en laissant leur vie derrière eux. Ils ne s’attendaient pas à un tel déferlement même si cela faisait des années qu’ils étaient soumis à toutes sortes de vexations voire de persécutions dans l’indifférence générale : les enlèvements contre rançon étaient déjà pratiqués avant l’arrivée de Daesh, nous rappellent-ils, avec une note de reproche dans la voix. Ils sont amers, traumatisés : leurs compatriotes musulmans ne les ont pas aidés ; au contraire : ils en ont profité pour occuper leurs maisons et s’approprier de leurs biens. Ils ne veulent plus rentrer chez eux, ils ne croient pas que les choses s’amélioreront.

On entend des cris de bébés derrière les cloisons en contreplaqué et les rideaux installés par Caritas dans la grande salle pour assurer à chaque famille un semblant d’intimité. Un jeune fougueux, qui se mariera dans quelques jours, affirme qu’il veut partir loin du Moyen-Orient, loin de tous les pays musulmans. Il a peur de l’islam. Les musulmans ne nous aiment pas, assure-t-il, ils aident les fondamentalistes. Les bombardements ne servent à rien, car les terroristes ont le soutien de la population. Autour de lui, tous hochent la tête en signe d’assentiment. Et quand on lui fait remarquer qu’il en va de la présence chrétienne au Moyen-Orient, le jeune fiancé s’insurge : le Pape veut-il qu’on se fasse tuer ? lance-t-il sans que personne ne songe à le contrarier. Selon lui, il n’y a plus d’avenir pour les chrétiens en Irak, plus aucun avenir pour eux au Moyen-Orient. C’est fini ! Les visages sont graves. Dans les regards, la colère cède la place au désespoir. Tous rêvent de partir pour l’Australie ou pour les Etats Unis, ou n’importe où… juste partir, le plus loin possible, quitter la région, avoir une vie nouvelle, loin de l’islam, faire des projets.

A Amman, la paroisse syriaque orthodoxe Saint Ephrem accueille une cinquantaine de réfugiés chrétiens d’Irak, venus de Mossoul et de Qaraqosh. Parmi eux treize mineurs âgés de 6 mois à 15 ans, dont un enfant atteint d’épilepsie. C’est Caritas Jordanie qui assure leur survie : le ravitaillement, l’aménagement de la salle paroissiale, les soins…..Quelques jordaniens viennent apporter de l’aide de temps à autre, des chrétiens essentiellement, mais parfois aussi des musulmans. Les réfugiés nous reçoivent avec méfiance. Les hommes sont particulièrement hostiles. Ils en ont assez de raconter leur histoire aux journalistes. Ils ont déjà raconté à des chaines de télévision, à la presse, les années de souffrance et les atrocités commises par Daesh, sans résultat. Ils ne veulent pas qu’on les prenne en photo. Ils ont trop peur des représailles. Mais ils n’ont pas perdu la foi : des crucifix et des images pieuses sont accrochés aux panneaux qui délimitent des espaces privés transformés en chambres à coucher, où ils dorment à quatre ou cinq. L’hiver arrive et ils n’ont pas de vêtements chauds. Ils ont établi des roulements pour faire la cuisine, jeter les ordures, prendre leur douche.

Les plus chanceux ont des parents à Amman. Ils avaient fui avant eux. Tous veulent quitter la Jordanie où ils se sentent étrangers. Les enfants ne vont pas à l’école, ils n’ont pas de livres scolaires. Les écoles publiques jordaniennes, qui accueillent déjà des syriens, ne leur sont pas ouvertes et les écoles privées catholiques sont trop chères. Tous les vendredis, un volontaire vient leur donner des cours d’anglais. Une pédiatre de 32 ans a les larmes aux yeux quand elle répète ce que nous entendons chaque jour. Même avant l’arrivée de Daesh, elle était déjà obligée de porter le voile islamique en public. A Mossoul, elle avait peur d’aller à l’église. A la sortie les musulmans les insultaient en les traitant d’infidèles. Chaque fois qu’il y avait un incident islamophobe dans n’importe quel pays du monde, les musulmans se vengeaient sur eux. Comme beaucoup d’autres, elle pense que l’Eglise catholique a sous-estimé la gravité de la situation, que le Vatican aurait dû les défendre plus fermement. Ce qui leur fait mal c’est que leurs propres voisins musulmans avec lesquels ils ont grandi les aient trahis. Elle pense qu’il est maintenant trop tard, que les chrétiens n’ont plus d’avenir en Irak.

A la paroisse arménienne catholique Notre-Dame de l’Assomption à Amman, les réfugiés irakiens contribuent aux travaux de restauration, une manière de remercier le curé qui semble à bout de force, dépassé par les évènements. Ils sont plus de 80, catholiques syriaques et chaldéens venus de Mossoul et Qaraqosh début septembre. Ils sont tous passés par Erbil. A l’intérieur de la salle paroissiale, Caritas n’a pas encore eu le temps d’installer les cloisons amovibles. Les séparations provisoires ne font qu’un mètre de haut et ne parviennent pas à protéger l’intimité des familles. Dans un coin, une « Mater dolorosa » avec ses trois enfants. Son mari est mort dans l’explosion d’une église il y a quelques années à Bagdad. Et maintenant, elle a été contrainte de fuir la terre de ses ancêtres. Là aussi nous trouvons des gens en colère. Mais quand ils découvrent que nous venons du Vatican, ils se pressent autour de nous pour lancer des messages désespérés au Pape.

Ils pleurent d’avoir dû abandonner leurs maisons, mais aussi leurs églises saccagées, profanées et transformées en mosquées. Leurs biens, leurs souvenirs, leurs photos ont été détruits dans la rue. Une femme nous raconte qu’on a frappé à sa porte à minuit. Elle n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait. Elle a eu le temps de prendre une veste, ses papiers et un peu d’argent pour payer le billet d’avion Erbil-Amman. D’autres n’ont même pas eu le temps, ni le courage d’emporter leurs médicaments ou le lait pour les enfants. Personne ne doit penser que leur décision de partir plutôt que de se convertir à l’islam ait été facile. C’est un sacrifice. Ils sont arabes irakiens ; ils ont tout quitté au nom de leur foi. Ils plaident en faveur des familles chrétiennes toujours bloquées au Kurdistan. Il faut agir vite.

Faire Un Don


Merci de votre don généreux à Caritas. Votre soutien rend notre travail possible.

Pray

Caritas brought together a collection of prayers and reflections for you to use.

Se Porter Volontaire

Les volontaires apportent une contribution cruciale à notre travail. Découvrez comment devenir volontaire.