Lutte contre la traite des êtres humains : Sommet Coatnet à Paris

Caritas at COP. Photo by Caritas

“Un agent peu scrupuleux du village a organisé pour Heem, un homme de l’Ouest du Népal, un vol vers la Malaisie pour travailler comme fabricant de meubles. Les choses ne se sont pas tout à fait déroulées comme on l’avait promis à Heem. Il a dormi dans une petite chambre dans des baraquements sans fenêtres, seulement avec un ventilateur. Lorsqu’il est retourné au Népal, il était atteint de tuberculose et de lèpre.Caritas Népal lui a accordé un prêt pour qu’il achète des poulets. Il vend désormais des poulets et en tire un petit bénéfice, notamment en période de fêtes.”
Crédits: Orlinsky/Caritas Internationalis

Le réseau mondial Coatnet (Organisations chrétiennes contre la traite des êtres humains) s’est réuni du 9 au 11 novembre 2015 à Paris. En ouvrant cette réunion, Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours Catholique – Caritas France et vice-président de Caritas Europa, a clairement défini le but de cette « rencontre consacrée à l’enjeu majeur que constitue la lutte contre la traite : élaborer un plan stratégique ambitieux pour les années à venir.»

Engagées dans la défense des droits humains et la lutte contre le crime organisé à travers le monde, les 33 organisations catholiques, protestantes et orthodoxes et congrégations religieuses affiliées du réseau Coatnet fondent leurs actions et leurs plaidoyers respectifs sur la parole et l’expérience des victimes de l’esclavage. Olivia, Togolaise, a eu le courage de venir témoigner du calvaire subi quand elle était adolescente. Avec des mots emprunts d’une grande dignité, elle a retracé les mois d’esclavage domestique qu’une famille lui a fait subir quand elle a débarqué en France, à 13 ans et demi, dans les années 1990. La France ne disposait pas alors d’instrument législatif pour combattre la traite des êtres humains qui n’est entrée dans le code pénal qu’en 2003. Plus de dix ans après, la tortionnaire d’Olivia a cependant été condamnée pour actes de torture et de barbarie à huit ans de prison. En 2013, en raison notamment de sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme dans deux affaires d’esclavage domestique portées par le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), un des partenaires du Secours Catholique, la France a rendu sa définition de la traite des êtres humains conforme à ses engagements internationaux et introduit l’esclavage, la servitude et le travail forcé dans son code pénal.

La traite des êtres humains est, selon le pape François, un crime contre l’humanité. Ce crime peut prendre plusieurs formes : exploitation sexuelle, exploitation à des fins économiques, servitude domestique, exploitation de la mendicité, incitation à commettre des actes répréhensibles. Autant de crimes dont les premières victimes sont les personnes en situation de pauvreté et de vulnerabilité. Le réseau Coatnet, s’est, au fil des ans, renforcé grâce à l’émergence de coalitions nationales et internationales, comme en France, le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains. » Avec un meilleur maillage des territoires et un partage d’expériences, Coatnet cerne plus précisément son sujet et nourrit sa recherche de solutions.

Les situations de guerre et d’après-guerre, par exemple, ne sont pas suffisamment prises en compte par les Etats et les organisations qui s’occupent des réfugiés. Pour améliorer cette prise de conscience, le Secours Catholique et l’Organisation internationale pour les migrations (IOM) ont, chacun, présenté des « recherches – actions » mettant en relief la vulnérabilité croissante des familles, essentiellement femmes et enfants, lors de guerres ou de désastres naturels. Les Caritas ont ainsi pu déceler le cas des mariages forcés. En Syrie, des familles, fragilisées par le contexte de guerre, pensent qu’un mariage avec un ressortissant étranger protègera leur fille. Mais celles-ci tombent dans la nasse de trafiquants qui les destinent à l’exploitation sexuelle, à l’esclavage domestique, à l’obligation de commettre des délits, ou à la mendicité. Autre caractéristique relevée par les études de Caritas : l’exploitation économique des réfugiés. Interdits de travailler dans les pays où ils se retrouvent, ils n’ont pas d’autre choix que d’intégrer le marché noir de l’emploi où ils deviennent corvéables à merci. « La traite des êtres humains dans des situations de conflit et de post conflit est un sujet sur lequel peu de recherches ont été menées et trop rarement connu de ceux chargés de soutenir les réfugiés et les personnes déplacées » a expliqué Geneviève Colas du Secours Catholique – Caritas France et coordinatrice de la recherche.

Autre information mal connue du public : l’exploitation des « gens de mer », étrangers enrôlés sur des bateaux pour servir l’industrie de la pêche, principalement en Asie. Dans ses usines flottantes éloignées de toute visibilité, ces hommes sont les proies faciles de mariniers peu scrupuleux ou mafieux. Apinya Tajit, de Caritas Thaïlande, estime que « certains gouvernements asiatiques préfèrent ne pas identifier ce problème d’exploitation des “gens de la mer“ pour ne pas être rétrogradé dans le rapport américain[1]  qui mesure, pays par pays, l’ampleur de l’esclavage moderne. »

A l’occasion de la diffusion du film « Retour à la vie » sur la traite des petites filles à des fins d’exploitation sexuelle au Cambodge, un débat a eu lieu avec ses réalisateurs, Ilaria Borrelli et Guido Freddi. Jean-Hugues Piettre, chargé de la lutte contre l’exclusion au Ministère de la Culture et de la Communication en France a rappelé l’importance « des apports de chacun pour lutter contre la traite des êtres humains : modifier les comportements et les représentations sur ce qui nous est étranger ; et associer les apports de tous dans la construction nationale. » Traduit en différentes langues, le film est de plus en plus diffusé dans les différents continents, ce qui permet de sensibiliser le grand public comme les institutions à la traite.

Les trois jours de Paris ont fait le point sur les actions menées aux quatre coins du globe. Une feuille de route a été fixée pour les cinq ans à venir. La stratégie vise à davantage resserrer les liens des membres de Coatnet (notamment en partageant les informations mieux et plus vite pour sensibiliser aussitôt communautés et autorités). Il est apparu prioritaire de porter une attention particulière sur les migrations actuelles : sécuriser les migrants, informer sur leur situation, prendre des mesures pour prévenir les groupes à risque, améliorer leurs conditions de vie, surveiller et évaluer chaque crise pour adapter la stratégie au contexte. Enfin, les membres de Coatnet sont déterminés à poursuivre leurs actions pour informer les mécanismes pertinents des droits de l’Homme, obliger les Etats à répondre à leurs obligations de protéger les droits de toutes les personnes sans discrimination. Les membres de Coatnet continueront de mobiliser leurs réseaux respectifs et les communautés religieuses pour empêcher l’expansion de la traite des êtres humains, identifier et libérer ceux qui sont asservis, et soutenir la pleine restauration des victimes.

Paris, 11 Novembre 2015
Jacques DUFFAUT Secours Catholique/Caritas France

 

[1] Le Rapport sur la traîte des êtres humaines délivré par le Département d’État des États Unis

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