« Vous n’êtes pas seuls » : le pape François à Lesbos

« Je suis tellement content que le pape François soit venu sur cette ile », dit Afran, un réfugié kurde de Syrie qui réside avec sa famille dans un hospice de Caritas sur l’ile grecque de Lesbos. « C’est un prophète de la paix, un prophète de l’amour. »

Le Pape a rencontré des réfugiés à Lesbos le samedi 16 mars. Il voyageait accompagné du Patriarche œcuménique Bartholomée I, chef spirituel mondial des chrétiens orthodoxes, et de l’Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce Ieronymos II, chef de l’Église de Grèce.

« C’est un voyage sous le signe de la tristesse », a dit le pape François, qui a qualifié cette crise de « plus grande catastrophe humanitaire depuis la Deuxième guerre mondiale ». Lesbos est au centre d’un afflux de réfugiés et de migrants qui a vu plus d’un million de personnes traverser la Grèce l’an dernier, et déjà 150 000 en 2016. Plus de 300 d’entre eux ont péri cette année lors de leur traversée.

Making a banner for Pope Francis at the Caritas hotel for refugees and migrants. Credit: Caritas Hellas.

La préparation d’une bannière pour le pape François à l’hospice de Caritas pour les réfugiés et les migrants. Crédit : Caritas Hellas.

« Réveille-nous de la torpeur de notre indifférence », a prié le pape François au mémorial dédié à ceux qui ont perdu leur vie en mer, « ouvre-nous les yeux sur leurs souffrances et libère-nous de l’insensibilité liée à notre confort mondain et à notre nombrilisme. »

Ce voyage commun arrive juste après le lancement d’un accord entre l’Union Européenne et la Turquie, selon lequel tout migrant arrivant sur les iles grecques après le 20 mars sera détenu puis renvoyé en Turquie à moins de candidater à l’asile en Grèce et que sa requête ne soit acceptée.

« Seuls ceux qui voient les yeux de ces petits enfants que nous avons rencontrés dans les camps de réfugiés pourront immédiatement reconnaitre, dans son intégralité, la faillite de l’humanité et de la solidarité montrées par l’Europe ces dernières années envers eux, et pas seulement eux », a dit l’Archevêque d’Athènes Ieronymos.

« Vous n’êtes pas seuls », a dit le pape François. Le Pape et les autres chefs chrétiens ont rencontrés des centaines de personnes au centre de détention de Moira. Il accueille environ 3000 personnes. « En tant que gens de foi, nous souhaitons élever notre voix pour vous. Ne perdez pas espoir », a-t-il dit.

Le pape François a aussi rencontré le personnel de Caritas Hellas à Lesbos. Ils lui ont donné un album photo, quelques dessins d’enfants et un bouquet de fleurs, le tout fait pas des réfugiés résidant dans un hospice géré par Caritas sur l’ile. Cet hospice est réservé aux cas très vulnérables, tels que les femmes enceintes.

« Le plus grand don que nous puissions nous faire l’un l’autre est l’amour », a dit le pape François au camp de Moira. « Nous autres chrétiens aimons raconter l’histoire du bon Samaritain, un étranger qui, ayant vu un homme dans le besoin, s’est immédiatement arrêté pour l’aider. Pour nous, c’est une histoire qui parle de la miséricorde de Dieu, qui est destinée à tout le monde. »

“As people of faith, we wish to join our voices on your behalf. Do not lose hope!” said Pope Francis.

« En tant que gens de foi, nous souhaitons élever notre voix pour vous. Ne perdez pas espoir », a dit le pape François aux réfugiés à Lesbos. Crédit : Caritas Hellas

Pour Afran, ce réfugié syrien résidant chez Caritas, la visite du Pape est un symbole du fait qu’on ne les a pas oubliés. « La façon dont il marché parmi les réfugiés au centre de détention, la façon dont il leur a parlé, il nous a rendu tellement heureux. »

Afran vient de Kobane, en Syrie. L’État Islamique (ISIS) a attaqué cette ville à plusieurs reprises. « Il n’y a plus d’endroit sûr » ; dit-il. « La ville a été détruite. L’ISIS a mis des bombes dans les maisons. Nous sommes partis quand les terroristes ont commencé à tuer des personnes : des femmes et des enfants. »

Avant la guerre, Afran était enseignant. Il avait un salaire, devait se marier et vivait dans une communauté où, selon lui, « Les chrétiens, les musulmans, les Arabes, les Kurdes, n’utilisaient pas ces étiquettes. Nous étions tout simplement des voisins. »

« Une voiture piégée a explosé. Des morceaux sont partis dans tous les sens. Je me suis réveillé quelques secondes plus tard : des gens étaient en feu, il y avait des morts partout. 40 personnes sont mortes dans cette attaque », dit-il. « Ma jambe a été touchée. Il n’y avait pas de chirurgien à l’hôpital pour la sauver, et donc les docteurs ont dû m’amputer. »

Il a alors essayé de rompre ses fiançailles. « Je l’ai suppliée de me quitter plusieurs fois. Mais elle a refusé. On rêvait d’un grand mariage, mais à la fin ça a été très minimaliste. Il y avait des combats en ville. »

Quand l’ISIS a lancé une offensive majeure, Afran et sa famille ont fui vers la frontière turque.

« Mon frère m’a porté sur son dos tout le long du chemin », dit-il. « Ce n’est pas facile de dire adieu à ta maison, à ta ville, à ton pays. Tu y abandonnes tous tes souvenirs, mais à présent Kobane est synonyme de bombes, de mort et d’ISIS. »
La famille a vécu en Turquie pendant plus d’un an. Afran a payé pour avoir une jambe artificielle. Ils ont eu un enfant.

« La vie en Turquie était dure. Des moments, nous avons vécu dans une maison, d’autres fois dans des tentes à la ferme. Si tu ne travaillais pas, tu ne mangeais pas », dit-il. « Ma femme et ma sœur de 16 ans devaient travailler aux champs de 4 heures du matin à 8 heures du soir pour 6€ par jour. Il arrivait même qu’elles ne soient pas payées. Si tu étais syrien, on profitait de toi. »

Il dit qu’il n’y avait aucun avenir pour sa famille en Turquie. « Il y a un grand racisme contre les Kurdes. Nous nous échappions de la guerre. On ne se sentait pas en sécurité », dit-il. Ils ont alors décidé de faire ce qu’il appelle le « voyage de la mort » vers l’Europe.

Afran and his family staying in the Caritas hotel on Lesbos. Credit: Patrick Nicholson/Caritas

Afran et sa famille résident à l’hospice de Caritas à Lesbos. Crédit : Patrick Nicholson / Caritas

« Trouver un passeur a été aussi facile que de marcher le long de la rue », dit-il. « On a attendu 15 jours sur la plage le canot vers Lesbos. Il faisait froid et le bébé est tombé malade. Il a dû aller à l’hôpital. J’étais tellement stressé que je ne pouvais pas manger. »

« À 3 heures du matin le 13 mars, nous avons embarqué sur un petit canot vers Lesbos en compagnie de 60 autres personnes. Mettre notre bébé de 7 mois dans le bateau, c’était comme envoyer son enfant dans la tombe. »

À dix reprises, ils ont cru qu’ils allaient se noyer. Ils ont été récupérés par des garde-côtes 4 heures plus tard en mer. « Dès le moment où nous avons débarqué, nous avons rencontré des personnes extraordinaires. Les garde-côtes, les travailleurs humanitaires, les gens de Lesbos », dit-il. « C’était la première fois depuis longtemps que nous nous sentions à nouveau humains. »

À présent, ils résident à l’hospice de Caritas, en attendant que leur demande d’asile soit traitée. Ils reçoivent du lait pour leur bébé, une chambre, des habits, de la nourriture et un traitement médical.

La date limite de l’accord UE-Turquie se situait 7 jours après leur arrivée. « Nous ne savions rien de cette date limite », dit Afran. « Être renvoyés après avoir fait ce voyage, ce serait comme si l’humanité était réduite à néant. »
Leonard Meachim enseigne l’anglais aux Syriens à l’hospice de Caritas. C’est un bénévole qui a déménagé de Liverpool à Lesbos il y a 30 ans, où il vit avec sa femme grecque.

« Quand les bateaux ont commencé à arriver l’an dernier, nous avons commencé avec une distribution ad hoc en tant que volontaires communautaires », dit-il. « Ensuite, Caritas Hellas nous a aidé à organiser des distributions régulières de sacs de couchage et de matelas. »

« Nous sommes aussi allés sur les plages pour y distribuer des habits et de la nourriture. Les personnes y arrivaient épuisées, affamées et confuses. Nous avons passé du temps à leurs côtés. Un Irakien m’a dit qu’il est impossible de s’imaginer ce que ça signifie d’avoir une main amicale tendue après le voyage qu’ils ont fait. »

Pope Francis meets refugees at the Moria refugee camp on the island of Lesbos, Greece. Credit: CNS photo/Paul Haring

« Nous sommes venus pour attirer l’attention du monde devant cette grave crise humanitaire et pour en implorer la résolution, a déclaré le pape. Nous voulons unir nos voix pour parler ouvertement en votre nom. Nous espérons que le monde prête attention à ces situations de nécessité tragique et véritablement désespérées et réponde d’une façon digne de notre humanité commune. » Credit: CNS photo/Paul Haring

Il a vu la crise évoluer des communautés grecques auto-organisées pour aider, aux camps de fortune, puis à l’aide organisée. « Après la crise économique, la Grèce était en perdition », dit-il. « En voyant comment le pays s’est uni pour aider les réfugiés, nous avons retrouvé notre unité nationale. »

À présent avec cet accord UE-Turquie sur les centres de détention, « les gens sont traités comme de la marchandise : un Syrien ici pour un autre en Turquie », dit-il.
« Dès le début, tu les perçois comme des gens comme toi. Ils ont vécu beaucoup de tragédies. Les enfants ont vu des choses qu’aucun enfant ne devrait jamais voir. Ils ont vu des membres de leur famille tués ou maltraités. Personne ne fait ce voyage à moins de ne pouvoir réellement faire autrement », dit-il.

« C’est un défi que d’aller vers quelqu’un que tu ne connais pas et de lui offrir de la nourriture. Tu y vas en tant que compagnon humain. En tant que chrétiens, nous voyons Jésus dans la personne dans le besoin », dit-il. « Ma vie a changé à tout jamais. Ce n’est pas un sacrifice. Je suis sorti enrichi de cette rencontre. »

Tonia Patrikiadou, l’administratrice locale de Caritas Hellas de l’hospice géré par Caritas à Lesbos, dit qu’il reste encore beaucoup à faire. « L’hospice fonctionne encore. Beaucoup de gens attendent encore d’être déplacées ou de recevoir l’asile. Ça va prendre beaucoup de temps. Le grand défi, c’est de leur fournir de l’argent pour qu’ils puissent se construire un avenir. »

Le pape François a conclu sa visite en offrant un passage sûr en Italie à 12 Syriens, dont une moitié était des enfants, à bord de l’avion papal. Citant la Bienheureuse Mère Teresa, il a dit : « C’est une goutte d’eau dans l’océan, mais après cette goutte, l’océan ne sera plus jamais le même… C’est un petit geste. Mais ce sont ces petits gestes que tous les hommes et toutes les femmes doivent faire pour tendre la main à ceux qui en ont besoin. »

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