Une tragédie humanitaire se déroule dans le lac Tchad

« Nous avons quelques animaux, mais tout le monde est pauvre… Si nous avions des pirogues, nous pourrions pêcher », se plaint un représentant des pêcheurs au village tchadien de Bibi-Barrages, sur le lac Tchad. Depuis deux ans, villageois autochtones et déplacés vivent ensemble, « mais il n’y a pas assez de place pour cultiver des légumes »…il faudrait aménager un polder… Monde oublié, brutalement revenu au cœur de l’actualité à cause de la présence des islamistes se revendiquant de Boko Haram, la région du mystérieux lac Tchad inclut le Nigéria, le Cameroun, le Niger et le Tchad. Ce plan d’eau, très poissonneux, faisait vivre directement des millions de personnes. Sauf que les centaines d’îlots et de chenaux cachés entre les hautes herbes constituent un repaire idéal pour des combattants soucieux de se dissimuler et de rafler du bétail et des récoltes.

Women having fled Boko Haram receive support from Caritas. Photo by Alessandra Arcidiacono/Caritas

Les femmes ayant fui Boko Haram reçoivent le soutien de Caritas. Photo by Alessandra Arcidiacono/Caritas

Aujourd’hui cette région est le théâtre d’une tragédie humanitaire. Plus de sept millions de personnes y sont menacées d’insécurité alimentaire et selon l’ONU, 500 000 enfants sont malnutris jusqu’au niveau sévère. Depuis 2014, les abords du lac Tchad sont régulièrement la cible du mouvement djihadiste Boko Haram. Au Tchad seulement près de 130 000 personnes ont été contraintes de quitter les îles du lac et de se réfugier sur la terre ferme. Elles ont tout laissé, même leurs précieuses pirogues et leur équipement. « Quand nous sommes arrivés, nous avons construit des huttes », raconte Mahamat Malloum, « mais la pluie les a détruites plusieurs fois ».

Les attaques armées, les pillages, les rafles, les enlèvements se poursuivent

La première vague est arrivée de la frontière nigériane. Les déplacés fuyaient les exactions commises par la secte Boko Haram. Début 2015, les insurgés islamistes avaient rasé plusieurs localités proches du lac Tchad et tué des centaines de personnes. La deuxième vague était composée de personnes évacuées par l’armée dans ses opérations de ratissage des îles, considérées comme une zone de guerre. Depuis, la situation sécuritaire reste tendue, l’état d’urgence n’est pas levé. Les enfants sont quotidiennement confrontés aux traumatismes. Un homme interrogé par Caritas montre les cicatrices sur sa jambe. Son village a été attaqué par Boko Haram en 2016. Ils l’ont blessé. Tout le village a été brûlé.

Tous ne sont pourtant pas partis. Il y a encore quelques pêcheurs sur les îles , confirme Sylvain Nodjiban, de Caritas Tchad. Ils espèrent relancer leur commerce de poisson. Certains rentrent sur leur île une fois par semaine pour le marché. Ils savent qu’ils risquent leur vie, mais « pêcher, c’est tout ce qu’on sait faire », affirment-ils. « Le retour des déplacés n’est pas une option pour le moment », indique le préfet adjoint de Bagasola, l’une des principales villes de la région, « et de toute façon il serait facultatif ».

Sylvain Nodjiban est Project Manager à Caritas Tchad. Il assure le suivi et la coordination d’un appel d’urgence en faveur des personnes déplacées et des populations hôtes de la région du Lac Tchad. Ce projet, qui couvre en sécurité alimentaire environ 4 000 personnes, soit environ 675 ménages, prendra fin en octobre 2017. Caritas N’Djamena-SECADEV a déployé une trentaine d’agents sur le terrain et assiste plus de 35 000 personnes en partenariat avec d’autres ONGs. Son travail est très apprécié. Mais les choses ne se sont guère améliorées ces derniers mois , au contraire. Sylvain Nodjiban ne cache pas son inquiétude : la situation humanitaire s’est dégradée, « car on assiste encore à des mouvements importants de personnes …à cause des opérations militaires à la frontière ». « Le projet nous a beaucoup aidés , mais les besoins sont encore plus grands », renchérit Faki Moussa Zeid. Selon une évaluation multi sectorielle, 400 000 personnes environ pourraient se trouver en situation d’insécurité alimentaire grave pendant la prochaine période de soudure.

Nombreux sont ceux qui ont déjà tout perdu

Dans les villages d’accueil, l’accès à la terre est difficile. Sylvain Nodjiban assure cependant que les relations entre déplacés, réfugiés et population locale sont bonnes : « Il n’y a aucune tension car ils parlent presque la même langue », explique-t-il. Certes, les manifestations de jalousie ne manquent pas « parce que les autochtones risquent d’être oubliés au profit des déplacés et des réfugiés, alors qu’ils sont, eux aussi, dans un état de vulnérabilité très accru ». Les fragiles économies de la région, reposant principalement sur l’agriculture, la pêche et le commerce transfrontalier, ont en effet été ravagées par l’insurrection meurtrière de Boko Haram. En février dernier, à Oslo, la conférence des donateurs de fonds organisée par les Nations Unies a permis de mobiliser 3,5 millions de dollars pour les populations en détresse. Mais les besoins humanitaires du lac Tchad s’élèvent à 16,6 millions de dollars.

Aussi Sylvain Nodjiban n’exclut-il pas le risque d’un conflit foncier, dû à la pression démographique provoquée par les vagues de déplacements observées au quotidien. « Nous avons besoin d’aide rapidement », affirme une jeune femme Kakay Ali. « Une femme comme moi devrait avoir plusieurs enfants mais nous n’avons pas la force ». Pour Caritas, les priorités actuelles sont l’assistance alimentaire et en eau potable ainsi que l’appui en outils et intrants, fertilisants et pesticides, pour consolider les moyens de subsistance. Il est urgent de renforcer l’alimentation et la prise en charge nutritionnelle des populations du lac et d’appuyer leurs activités de subsistance pour permettre d’assurer leur résilience en cas d’éventuelle crise. « Si nous avons un appel à lancer, insiste Sylvain Nodjiban, ce sera dans ce sens là ».

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