Caritas ouvre la voie à l’aide humanitaire en République centrafricaine

Christie Bayo a enduré le pire durant le conflit en République centrafricaine, un conflit tombé en oubli mais qui cependant continue. Sa mère et ses frères ont été tués, lui-même a été torturé pratiquement à mort et maintenant, il ne survit que grâce au soutien charitable de ses amis.

La République centrafricaine, qui est l’un des pays les plus pauvres du monde, a été déchirée par la violence depuis 2013, quand des rebelles musulmans essentiellement de la Seleka ont lancé une révolte, déclenchant des représailles de la part des milices majoritairement chrétiennes. Les milices des deux factions religieuses se partagent et contrôlent environ 80 pourcents du pays, et se battent souvent pour les ressources d’or, de diamants et d’uranium du pays.

La violence subie par la famille de Christie est emblématique de la situation désespérée de beaucoup, dans un pays en grande partie abandonné par la communauté internationale.

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Sa mère infirmière travaillait à Bambari quand un commandant de la Seleka est arrivé à l’hôpital avec sa femme enceinte en disant que si son épouse mourait, il la tuerait. Durant l’accouchement, la femme du commandant est malheureusement décédée et le commandant est effectivement revenu pour tuer la mère de Christie.

Christie travaillait dans la capitale Bangui, mais à cause du conflit et des carences des systèmes de communication dans le pays, il n’a appris le décès sa mère que quatre mois plus tard.

En route pour le cimetière, des miliciens chrétiens anti-balaka l’ont capturé et accusé d’être musulman. Ils ne l’ont pas cru quand il a protesté en disant qu’il était chrétien et l’ont torturé pour tenter de lui faire confesser qu’il était musulman. Ils l’ont battu avec des lattes barbelées et un pot d’échappement et utilisé des tenailles pour lui arracher la peau. Seule l’intervention du maire de la cité lui a sauvé la vie. La Croix Rouge a soigné ses plaies et supervisé son rétablissement, qui a duré des mois.

Caritas a conduit les efforts humanitaires, distribuant une aide à plus de 50 000 personnes sous forme de nourriture, de médicaments, de cours, de kits d’hygiène et d’agriculture.

Des milliers de personnes sont mortes du conflit, et plus d’un quart de la population de 4,5 millions d’habitants a fui de chez elle, avec 620 000 déplacés internes (IDP) et 570 000  émigrés dans les pays limitrophes.

Une mission de paix des Nations Unies (ONU) forte de 12 000 hommes, la MINUSCA, l’une des plus grandes opérations de l’organisation, a lutté pour restaurer l’ordre dans le pays, où le gouvernement n’a que peu ou prou le contrôle et où les attaques contre les civils sont monnaie courante.

La violence en République centrafricaine a aussi précipité le pays dans la famine : 63 pourcents de la population a besoin d’aide d’urgence, selon les données de l’ONU de l’année dernière.

20% D’HABITANTS A FUI DE CHEZ ELLE
620,000DÉPLACÉS INTERNES (IDP)
570,000ÉMIGRÉS DANS LES PAYS LIMITROPHES

« Dans ce conflit, la religion est instrumentalisée à des fins politiques », dit le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui et président de Caritas RCA.

« La religion a été exploitée pour l’industrie de la guerre, dans laquelle les rebelles exploitent illégalement les diamants du sang. »

Caritas travaille au cœur des initiatives humanitaires et de consolidation de la paix en République centrafricaine. Même si les violences se sont intensifiées en 2017, ce qui a contraint les organisations humanitaires à se retirer des camps hébergeant les déplacés internes à Kaga Bandoro, Alindao et Bangassou, Caritas a maintenu ses opérations dans l’ensemble du pays.

« Au début de la crise, le premier jour du coup d’état, c’est Caritas qui est sortie dans les rues pour distribuer des médicaments et de la nourriture », dit le cardinal Nzapalainga.

« Il n’y avait rien à manger, et c’est donc Caritas qui a vidé ses réserves pour répondre à leurs besoins. Caritas travaille au retour du calme, de l’harmonie et de l’entente. »

À travers sa présence de longue date dans les parties rurales du pays, Caritas a utilisé ses connaissances et ses relations locales pour gérer les camps, en établissant des comités pour évaluer les besoins, en particulier ceux des groupes les plus vulnérables, pour coordonner les secours humanitaires, et pour œuvrer avec succès à une meilleure sécurité dans les camps.

Caritas a aussi conduit les efforts humanitaires, distribuant une aide à plus de 50 000 personnes sous forme de nourriture, de médicaments, de cours, de kits d’hygiène et d’agriculture. Caritas a aussi été à l’avant-garde des initiatives de consolidation de la paix, telles que l’organisation de marchés de fermiers où les musulmans et les chrétiens se retrouvent en un même lieu pour acheter et vendre leurs produits.

« Nous allons au-delà des considérations religieuses, des questions sensibles, des groupes ethniques, des régions…Et c’est cela, la vocation de Caritas, d’être le témoin de l’universalité du cœur de Dieu. » – le cardinal Nzapalainga.

Le travail de Caritas dans un camp de 20 000 déplacés internes proche de la base MINUSCA dans la zone stratégique de Kaga Bandoro, contrôlée par la Seleka, ne fait que démontrer l’ampleur de cette catastrophe humanitaire.

Un des habitants, Bertin Aguida, est arrivé au camp avec sa femme et ses sept enfants il y a quatre ans. « J’ai fui d’un village situé à 30 km de Kaga Bandoro », dit-il. « La Seleka a pris ma maison et l’a brulée. Nous ne pouvons donc pas rentrer chez nous. »

Tout d’abord, il s’est construit une cabane dans un autre camp, mais le propriétaire du terrain les a fait évacuer. « Donc on a déménagé tout près, dans un endroit préparé pour nous par Caritas », dit-il. « Maintenant, je travaille comme aide-soignant pour la MINUSCA, donc on a un petit revenu. » Caritas l’a aussi aidé à faire pousser ses propres récoltes.

« Caritas a négocié l’utilisation provisoire de terres agricoles dans le voisinage proche du site de la MINUSCA », nous explique Sangze Nicolas, technicien agronome de Caritas. « Ce n’est pas seulement une source de revenus pour les IDP (déplacés internes). Ce projet leur donne aussi une activité, quelque chose à faire. Ils savent maintenant quoi faire de leur journée. »

Mais cependant, il n’y a pas assez de terres pour que tout le monde fasse pousser ses propres légumes. « Caritas a choisi les personnes les plus vulnérables comme bénéficiaires de ce projet. Par exemple, une veuve mère de trois enfants », dit Sangze.

Et certaines personnes sont encore moins chanceuses que Bertin. « La Seleka a attaqué notre village », dit Jeannet Laguerre. « Ils ont tout volé et nous ont battu. C’est pour cela que nous avons fui ici. La vie ici est très difficile. On dort à même le sol, on n’a rien à manger, les insectes nous agressent. »

Ils sont nombreux à devoir lutter jour après jour pour trouver de quoi manger. « Parfois, on n’a rien, parfois un peu de farine avec du sel », dit Lidy Yakoda, mère de cinq enfants. « Il n’est pas possible de s’aventurer loin dans le bush pour trouver quelque chose à manger. C’est dangereux, parce qu’il y a toujours des attaques et des pillages, et donc on doit rester ici. »

Kaga Bandoro est particulièrement dangereux pour les femmes : trop souvent circulent des rumeurs de viols ou d’attaques à leur encontre. « Pour ce qui est de la situation de la sécurité, les femmes sont complètement clouées ici », dit Nour Adamou. « Elles n’ont pas même la possibilité de faire leur travail, d’accomplir leur devoir. L’État n’a aucun contrôle ou autorité ici. »

Attendre tout le jour sans avoir la possibilité de faire quelque chose pour changer leur vie est frustrant pour les habitants du camp. « Nous ne voulions pas venir vivre ici, mais les rebelles nous y ont contraint », dit Helene Kiringuinza. « On a une grande maison et on veut y rentrer, parce qu’ici on ne peut rien faire et on dépend de l’aide alimentaire. Le chaos est terrible et on souhaite rentrer chez nous. »

Caritas travaille aussi pour aider les musulmans dans la zone de Ganama, de l’autre côté de Kanga Bandoro. « Il y a peu, Caritas a commencé à nous aider », dit Adamou, qui ne souhaite nous donner que son prénom. « Caritas distribue des coupons alimentaires. Caritas est comme notre famille, qui nous aime et fait tout pour nous aider. »

Père Aurelio Gazzera, directeur d’une Caritas diocésaine à Bozoum, partage son trouble, en soulignant que la République centrafricaine est encore en crise et qu’elle a grandement besoin d’aide.

« C’est encore un pays loin des projecteurs, un pays peu connu », dit-il. « C’est un pays  dans lequel les besoins sont énormes et il faut vraiment travailler sur le long terme au développement, à l’éducation, à la santé et à l’agriculture. »

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L’ONG tchèque SIRIRI travaille avec Père Aurelio à Bozoum pour y fournir le programme éducatif « apprendre par le jeu ». Ce dernier est pensé pour améliorer la qualité de l’éducation à travers un cursus d’école primaire en Sango, la langue locale. Le taux d’alphabétisation des enfants participant au programme est passé de 20% à 80%.

« Les élèves de première année d’aujourd’hui vont grandir et apprendre à lire, écrire et compter, à chercher la signification d’un texte, à ne pas avoir peur de poser des questions, de demander « pourquoi » et apprendre à penser de façon critique. Tout cela portera ses fruits dans ce pays », dit Ludmila Böhmová, fondatrice de SIRIRI.

Aurelio dit que le désir de paix est grand chez les personnes ordinaires. Le cas de Christie est un bon exemple, lui qui ne cherche aucunement la vengeance pour la mort de sa mère ou de ses frères.

« Je veux seulement que la crise se termine », dit Christie. « Je veux que la paix revienne et que les chrétiens et les musulmans cohabitent et travaillent ensemble pacifiquement. »