Défendre le droit humain à la migration au Sénégal

Pourriez-vous m’expliquer où les migrants au Sénégal cherchent à aller ? Veulent-ils principalement aller vers les grandes villes à l’intérieur du pays, dans les pays voisins ou en Europe ?

Il y a de fait une migration des zones rurales vers les villes les plus importantes dont la capitale Dakar. Il en existe une autre vers d’autres pays de la sous-région Afrique de l’Ouest, surtout de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) qui, normalement, garantit à ses ressortissants la liberté de circulation des personnes et des biens. Il y a aussi une migration vers l’Afrique Centrale. Un pourcentage moins important de migrants cherche à rejoindre d’autres régions de l’Afrique au centre et au sud ainsi que l’Europe. On peut noter que près de 70% des migrants originaires d’Afrique de l’Ouest émigrent à l’intérieur de l’Afrique.

Quels sont les principaux motifs de migration dans votre pays ?

Le Sénégal étant un pays relativement stable et en paix, les raisons ne sont pas liées à l’insécurité mais plutôt à la situation économique difficile pour une jeunesse qui cherche de l’emploi. Il y a également la raison des effets du changement climatique qui fait que l’agriculture, principale pourvoyeuse de richesses et de moyens de subsistance en zone rurale surtout, est mise à mal. L’appauvrissement des sols du fait des différentes érosions, la salinité de sols, les catastrophes naturelles, le phénomène récurrent de la sécheresse sont autant de facteurs qui créent une insécurité alimentaire qui hypothèque les moyens de subsistance.

Programme de formation pour les migrants organisé par Caritas Sénégal.

Programme de formation pour les migrants organisé par Caritas Sénégal. Photo de Caritas Sénégal

Dans la région entière, quelles sont les tendances qui démontrent où les migrants veulent aller et pourquoi veulent-ils laisser leurs villes/villages ? Quelles sont les activités principales de Caritas Sénégal pour aider les migrants ?

Caritas Sénégal agit à différents niveaux : à travers l’activité d’un Point d’Accueil pour les Réfugiés et Immigrés (PARI), créé à Caritas Dakar il y a une vingtaine d’années, qui offre l’écoute, oriente et accompagne des migrants arrivés au Sénégal, le temps de leur présence dans le pays. D’autres migrants retournés sont aidés pour une réinsertion dans leur pays. Il y a des projets qui portent un volet de sensibilisation aux dangers de l’émigration clandestine surtout en direction des jeunes. Il y a aussi des projets de développement en cours de conception dans des Caritas diocésaines pour des migrants de retour qui veulent se stabiliser et entreprendre des activités économiques dans leur terroir.

Enfin, Caritas Sénégal coordonne un important programme dénommé MADE AFRIQUE qui est une partie de MADE Global coordonné par ICMC à Bruxelles. Notre plateforme défend le droit humain à la migration et aborde, dans son plaidoyer, la migration sous l’angle de la problématique migration et développement. Près de 300 organisations de la Société Civile sont membres de la plateforme qui est présente en Afrique de l’Ouest et du Centre, en Afrique du Nord et de l’Est avec la perspective de pouvoir l’implanter un jour en Afrique australe. La diaspora africaine est aussi membre de MADE AFRIQUE à travers des organisations de migrants établis principalement en Europe. Nous avons une action de plaidoyer aux niveaux national, régional, continental et global. C’est ainsi que nous avons été très actifs, avec nos partenaires d’Europe, autour du Sommet de la Valette sur la politique migratoire de l’Europe. Nous assurons un suivi de certaines politiques migratoires qui ont un impact sur les pays de notre région. Nous restons mobilisés aussi sur la migration à l’intérieur de la région Afrique qui est de loin la plus importante, malgré ce que l’on croit généralement.

Pourriez-vous me parler de l’importance d’écouter et d’accompagner les migrants dans le travail de Caritas ?

La première réponse apportée par Caritas Sénégal à la question migratoire l’a été à travers l’activité du PARI dont une tâche essentielle demeure l’écoute à travers un réseau de bénévoles et de salariés qui offrent cette écoute et un accompagnement pour des démarches administratives et pour une assistance de type économique, à travers le financement de touts petits projets (TPP) en rapport avec les capacités et le savoir-faire du migrant. Toutes ces réponses ont pour point de départ principalement l’écoute offerte aux migrants.

Que fait Caritas Sénégal (et les autres dans la région ) pour s’assurer que les migrants ne laissent pas leurs villes/pays ?

Je rappelle que Caritas Sénégal respecte tout d’abord le droit fondamental de toute personne à émigrer pour avoir de meilleures conditions de vie ou de sécurité. Sur ce point, notre position reste qu’on ne peut accepter de règles tendant à restreindre ce droit fondamental. L’essentiel est qu’on puisse le faire, autant que possible, dans des conditions de sécurité et pour ne pas mettre en danger sa propre vie. Par ailleurs, Caritas travaillant au développement à travers des projets et des programmes, elle contribue, de cette façon, à offrir aux personnes des possibilités de réalisation personnelle dans leur propre terroir. Mais cette contribution reste modeste, au regard de l’ampleur de la tâche du développement de l’Afrique qui demeure une question majeure, malgré les efforts et les progrès évidents en matière de développement dans un certain nombre de pays africains.

Pourriez-vous partager avec nous l’histoire d’un migrant qui vous ait touché d’une manière particulière ?

C’est à Maputo que j’avais rencontré ce migrant. Il parlait parfaitement le portugais et était très intégré dans la vie de l’Eglise locale. Nous croyions tous qu’il était de ce pays. En fait, il avait été renvoyé au Mozambique qui n’était pas son pays. Mais n’ayant pas les moyens de retourner dans le sien, il était resté là pendant de longues années, intégré dans la vie de cette communauté qui lui avait donné l’accueil et de l’Eglise dans laquelle il était chez lui parce que catholique. Je n’ai jamais su s’il a pu un jour rentrer dans son pays d’origine. Mais il était bien accueilli.

Avez-vous un message pour les peuples et les gouvernements des pays en Afrique et dans les autres continents qui accueillent des migrants africains ?

La question migratoire est devenue indéniablement une grave question pour la conscience du monde. Elle interpelle notre humanité, notre sens de la fraternité, notre capacité d’accueil et d’ouverture à l’histoire des autres, souvent difficile pour des raisons de pauvreté et/ou de guerre. Cette situation doit amener à travailler ensemble à réduire les injustices et les inégalités qui sont la cause du déséquilibre du monde et de ses tensions, avec un accroissement des pays tombés dans la violence et d’autres qui ne sortent pas du cercle vicieux de la pauvreté.

L’avent est une période d’espoir. Voyez-vous des signes d’espoir dans votre région du point de vue de la migration ?

Pour prendre l’exemple de la CEDEAO évoquée plus haut, la volonté politique est de s’ouvrir les uns aux autres dans cet espace, parce que l’on a la conviction que c’est ensemble, dans un marché économique plus grand, qu’il y aura plus d’opportunités. Ainsi, des jeunes vont étudier dans les différents pays et les citoyens de cet espace sont en train de se doter, chacun dans son pays, de la même carte d’identité biométrique qui est valable dans tous les pays de l’espace. C’est un signe d’espoir, au moment où nous nous préparons à célébrer Noël, ce qui montre bien que des choses avancent positivement qui réaffirment notre fraternité.

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