Par Caroline Brennan de Catholic Relief Services, avec le soutien de Harriet Paterson
Shetara, 40 ans, une sage-femme ayant échappé à la violente attaque de son village en Birmanie, raconte qu’il ne manquait que deux heures à sa cousine avant qu’elle entre en travail.
Le problème, c’est que ces deux femmes rohingya se trouvaient sur une petite embarcation qui traversait la rivière Naf vers le Bangladesh, après des jours et des jours de fuite désespérée à travers la jungle. Ce qui se trouvait devant elles, elles ne le savaient pas, mais ce que Shetara savait, c’est que les douleurs croissantes de sa cousine ne pouvaient signifier qu’une seule chose.
« Je savais que le bébé allait naitre, et j’avais peur », dit-elle. « Quand Senowara a dit qu’elle avait encore plus mal, je lui ai dit de se reposer immédiatement, que le bébé allait naitre dans les deux heures. »
Shetara et Senowara, qui a 25 ans, fuyaient avec leurs familles les attaques continues de la junte militaire contre la population musulmane de l’état de Rakhine, en Birmanie. Depuis le 25 aout, plus de 605 000 personnes ont été contraintes à quitter le pays de force.
« J’ai donné des sucreries à mes enfants pour les faire rester calmes. Je les ai avertis, si vous pleurez, ils vont venir nous tuer. On a voyagé comme ça huit jours durant. »
« Dans ma fuite, j’ai perdu le seul objet de valeur que j’avais pu emporter avec moi : les numéros de téléphone de mes proches. Ils se sont perdus dans l’eau », dit Dildar.
Après avoir réussi à faire le voyage et à amener ses cinq petits-enfants en sécurité, le beau-père de Dildar était à bout de forces. Il est décédé quelques jours seulement après son arrivée au camp. « Je pense que c’était de fatigue », suppose-t-elle avec tristesse. « Il était tellement affaibli. Nous l’avons enterré dans un nouveau cimetière au camp. C’est son fils ainé qui a conduit le rite funéraire. J’avais beaucoup de respect pour lui. Il me manque. »
Shetara, Senowara et Dildar sont à présent au camp Monyaghorna avec leur grande famille. Ils ont reçu de Caritas Bangladesh des lentilles, de l’huile de cuisine, du sel et du sucre. L’organisation a fourni de la nourriture et des articles ménagers à 70 000 réfugiés dans ces immenses camps. Les plans pour l’avenir sont de continuer avec l’aide alimentaire, les abris d’urgence, les articles de la vie courante, l’eau et les systèmes sanitaires, la protection des enfants, les services sociaux et éventuellement l’élaboration et le soutien à l’infrastructure de nouveaux camps. Les tâches à accomplir sont énormes.
Étonnamment, si l’on tient compte de ce qu’elle a traversé, Shetara réussit encore à voir le côté positif des choses. « Je suis reconnaissante d’avoir une bonne eau et de la nourriture, et d’être avec ma famille », dit-elle. « Au moins ici, on ne se fera pas tuer. On a ce qu’il nous faut, mais on aimerait rentrer dans notre pays d’origine, dans la paix. »
Cette sage-femme pleine de ressources a mis ses compétences au service d’autres femmes réfugiées, et elle a déjà fait naitre trois nouveaux bébés.
« C’est une bénédiction quand j’arrive à sauver à la fois la mère et l’enfant. À la naissance du fils de Senowara, j’étais tellement soulagée, tellement heureuse — le bébé y était arrivé. Quand je vois une nouvelle vie arriver dans le monde, je sais que c’est un don de Dieu », dit-elle.
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